Interview de Claude Tchamitchian et Bénédicte Affholder par Mathilde Simoën, journaliste au journal Le Perche

Mathilde Simoën : Pourquoi créer un festival de musique dans le Perche ?

Claude Tchamitchian : Parce que c’est la région dans laquelle nous avons décidé de nous installer. Et même si pour l’instant, nous n’y sommes qu’en résidence secondaire, à moyen terme ce sera notre lieu de vie principal. Par rapport à l’énergie que ce territoire nous donne, et surtout à celle des gens que l’on y rencontre nous n’avions pas envie d’habiter cette région sans y être actifs. Etant tous les deux des professionnels du secteur musical, cela nous a semblé évident de proposer quelque chose en rapport avec nos compétences, d’autant plus que les domaines dans lesquels nous travaillons sont encore, nous semble-t-il, assez peu représentés sur le territoire.

Bénédicte Affholder : Avant de nous engager dans ce projet, nous avons pris soin de regarder ce qui se passe déjà culturellement dans le Perche, afin que notre proposition soit artistiquement complémentaire et non concurrentielle. L’Oreille du Perche s’inscrit dans un environnement, non seulement culturel mais aussi sociologique et économique, et nous veillons également à prendre ces dimensions en compte dans notre projet.

MS : Pouvez-vous me donner trois mots pour définir ce festival ?

CT : Humanité, musicalité, proximité

BA : Emotion, partage, territoire.. Bon, ça en fait six !

MS : Quelle place ont les habitants du Perche à L’Oreille du Perche ?

CT : La réponse est dans la question ! Que ce soit un événement dans lequel les habitants du Perche puissent avant tout se sentir chez eux avec la certitude d’y trouver une fenêtre sur le monde jamais excluante.

MS : A quoi peut-on s’attendre lors de cette deuxième édition ?

BA : A un voyage « Entre les terres », fil rouge de cette programmation : de la Bretagne à l’Asie centrale en passant par l’Orient. Des musiques très fortement inscrites dans leurs origines mais transcendées par les artistes que nous avons programmés, qui savent rendre la musique totalement actuelle et libre. D’année en année, quels que soient les styles proposés, L’Oreille du Perche est avant tout un festival de musiques vivantes.

MS : Pourquoi avoir choisi des églises de communes plus « petites » ?

BA : Nous choisissons d’abord les églises pour leurs qualités acoustiques, patrimoniales, pour leur taille et pour leur environnement qui doit permettre un bon accueil du public et l’implantation de la buvette du festival. Les « petites » communes, nous les affectionnons particulièrement comme les « petites » églises. La proximité est un axe majeur de notre projet et cette dimension favorise grandement ce sentiment d’être « dans » le festival. Je profite de parler de cela pour remercier les maires, et les équipes municipales de ces villages qui nous accueillent avec enthousiasme et une grande attention. Il nous semble aussi important de contribuer à la mise en valeur de ces villages et de leur patrimoine.

CT : On a eu la joie d’avoir des échanges l’année dernière avec les habitants qui nous disaient leur bonheur de voir leur village revivre le temps d’un concert. D’ailleurs, si le festival grandissait, l’idée serait de faire plus de concerts dans ces petits villages plutôt que de choisir de grands lieux, ce qui changerait fondamentalement le rapport de proximité.

MS : Comment intégrez-vous les associations du Perche à cette manifestation ?

CT : Nous travaillons depuis le début avec l’Association Art et musique Saint Hubert, qui gère la buvette du festival. Et, pour chaque édition, nous nous rapprochons des associations de sauvegarde du patrimoine, afin de trouver la meilleure manière de collaborer. Nous signalons également sur notre site (www.loreilleduperche.fr) d’autres manifestations culturelles qui se déroulent sur le même territoire parce qu’il nous semble important de travailler ensemble afin de mieux faire vivre le Perche.

MS : Ce festival est-il accessible à tous ? (Habitants, touristes, jeunes, moins jeunes…)

BA : Absolument ! Artistiquement, nous choisissons toujours une programmation qui allie qualité sans faille et accessibilité à tous. Ce qui ne nous empêche pas d’aller chatouiller le spectateur en lui faisant découvrir des écritures vers lesquelles il n’irait pas spontanément. L’esprit de curiosité et l’ouverture est une chose à laquelle L’Oreille du Perche fait appel auprès du public, ce qui sous entend aussi à plus long terme un rapport de confiance.

CT : Quel qu’en soit le style c’est la musique qui crée le lien avec le public. Que l’on soit un habitué des concerts ou pas du tout, personne ne s’y trompe. D’ailleurs, force est de constater que lorsque la musique est d’excellente qualité l’adhésion est totale.

Notre volonté est d’être ouverts à toutes et tous. De plus nous sommes conscients des réalités économiques de celles et ceux qui habitent le Perche à l’année et nous tenons à être cohérents avec cette réalité pour garantir à tous l’accessibilité aux manifestations que nous organisons.

BA Nous mettons tout en œuvre pour que tout le monde puisse accéder à L’Oreille du Perche : politique tarifaire basse et tarifs préférentiels (dont un tarif jeune à 5 euros et gratuit pour les enfants de moins de 8 ans), et tarifs très raisonnables à la buvette.

MS : Comment voulez-vous que les spectateurs ressortent de ce festival ?

CT et BA : Heureux !

MS : Quels sont les musiciens que nous pourrons voir lors de ces trois jours ?

BA: Le 1er concert, « Entre les Terres », vendredi 28 juillet à 20h30 à l’église de Corbon est un quartet du violoniste Jacky Molard et du saxophoniste François Corneloup qui fait appel à la force de nos imaginaires et à la profondeur de la musique bretonne . Samedi 29 juillet, ce sera « Quest of the Invisible » de la flûtiste franco-syrienne Naïssam Jalal, en duo avec le contrebassiste Claude Tchamitchian, qui nous immergera dans une intimité quasi mystique au croisement de l’Orient et de l’Occident. Et pour clore ce festival, dimanche 30 juillet à 18h00 à l’église de Verrières, le quartet « Les cadences du monde », dernier carnet de route de l’éternel explorateur qu’est le clarinettiste Louis Sclavis, où la beauté de la musique n’a d’égale que son ouverture sur le monde.

MS : Quel est le mot d’ordre pour définir la relation entre le public et les musiciens ?

CT et BA: Plutôt qu’ordre, nous préférons le mot invitation ! Ouvrir les oreilles, ouvrir le cœur et se laisser porter par la musique. Sans a priori.

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